APPROCHE ACADÉMIQUE DE L'ISLAM

       

     La méthode adoptée par les historiens des religions et les islamologues académiciens repose sur des principes axiomatiques et des outils scientifiques reconnus par la communauté universitaire.

Les chercheurs s'accordent à dire que l'approche historique vise à établir le faits selon un certain degré de probabilité et de vraisemblance, sachant que la réalité historique ultime reste difficile pour ne pas dire impossible à atteindre.

 

LES AXIOMES DE L'ISLAMOLOGIE ACADÉMIQUE


Ce sont les bases de travail sur lesquelles l'historien va travailler pour construire un paradigme explicatif d'un ensemble de faits historiques. On peut résumer les principaux axiomes de toute recherche historique, selon les termes suivants : elle doit être non dogmatique, suivant le principe de causalité, non spéculative et neutre sur la question du jugement morale.


Le premier axiome exige du chercher d'adopter une approche non dogmatique, c'est-à-dire naturelle, causale et rationnelle avec mise entre parenthèses de « la question de Dieu », on ne fait pas intervenir Dieu dans le raisonnement, sous peine de quitter l’approche scientifique et rentrer dans le domaine des croyances diverses et variées. La question n'est pas de considérer la science est athée par nature, mais de ne pas se poser la question à la base, on peut être croyant et faire de la science à condition de prendre la distance nécessaire.


Le deuxième axiome demande à l'investigateur de se reposer que sur des faits matériels, c'est-à-dire refuser toute spéculation en matière de construction d'affirmations historiques. Autrement dit, la science n'accepte pas de faire intervenir tout ce qui est métaphysique ou paranormal par exemple la notion de révélation extrasensorielle (faite par un ange ou autre entité).


Le troisième axiome implique de se limiter aux questions posées et suspendre tout jugement moral. Autrement dit ne pas partir d'une idée préconçue et essayer de sélectionner tous les arguments qui vont l'appuyer sans discuter des arguments qui vont à son encontre.


PRINCIPES ET PARADIGMES DE L'ISLAMOLOGIE ACADÉMIQUE

 

Principe de l'anachronisme, se base sur le refus de la possibilité qu'une personne peut prédire l'avenir, ce qui procède du deuxième axiome, la conséquence directe de ce principe est de considérer tout texte parlant d'une prophétie réalisée est écrit forcément après sa réalisation. À cet égard on peut donner deux exemples

-Texte coranique sourate les Romains, les historiens rejettent l'idée que Muhammad a pu prédire l’événement et postulent donc que le texte a été rédigé après sa réalisation ce qui correspond forcément à une interpolation.

-Textes de certains Hadiths : par exemple ceux qui prophétisent des événements ayant eu lieu après la mort du Prophète, tel que l'apparition d'une secte qui s'appelle les Qadiriyas. Pour l'historien, ce hadith est forcément inventé après l'apparition de ce groupe pour le discréditer et ne peut en aucun cas être formulé par le Prophète.


Principe d'analogie, qui stipule que les mêmes conditions ayant entraîné un fait historique peuvent favoriserons renouvellement si les mêmes conditions sont à nouveau réunies.


Principe d'embarras, ce principe suppose qu'il est difficile d'imaginer qu'une institution (l'Église ou l'institution califale)  ou qu'une communauté religieuse puisse forger des récits qui vont à l'encontre de sa doctrine ou qui va la mettre dans l'embarras. Selon les historiens une telle information embarrassante à de fortes chances d'être authentiquement historique. On peut citer l'exemple  des versets sataniques citée dans les chroniques de Tabari entre autres. Nous soulevons une grande réserve quant à ce principe, car il est tout à fait possible d'attribuer un récit à une tradition par un groupe adversaire. En plus, comment évaluer qu'une information été embarrassant ou pas à une époque antérieure.

 

CRITÈRES HISTORICITÉ


   Pour l'historien aucune information ne peut être élevée au statut de l'authenticité absolue, on parle alors de plausibilité historique. Les chercheurs ont adopté des critères plus ou moins fiables, qui permettent de s'approcher le plus de la vérité historique, qui se base souvent sur un faisceau d'arguments, en respectant un certain nombre de critères tel que:


Le critère d'attestations multiples: plus une information est attestée par des sources multiples et indépendantes plus est plausible historiquement parlant.


Le critère de cohérence ou de constance: l'absence de contradiction entre les différentes attestations permet de consolider son caractère factuel. À noter que la présence de contradictions ne permet pas le rejet total de l'historicité d'un événement, car il peut être expliqué par les alias de la transmission surtout s'il s'agit d'une transmission orale retranscrite par la suite.


Le critère d'embarras: les historiens donnent beaucoup d’importance à des détails embarrassants transmis par une autorité ou par une communauté religieuse, ils sont considérés comme des « lapsus » peuvent indiquer, la survenue d'événements authentiques n'ayant pas pu être gommés de la mémoire collective.


Le critère des détails insignifiants: les détails qui n'entrent pas directement dans le but visé par le rapporteur, sont parfois considérés comme relevant d'un témoignage oculaire. Ils seraient des signes de forte valeur historique.


Le critère du silence: l'absence de traces archéologiques, de témoignages historiques signifie l'absence de faits relatés. La règle ici est : l'absence de preuve est une preuve d'absence. Ce qui est facilement contestable et ne résiste pas à l’analyse logique et les réalités observées sur le terrain.

 

OUTILS DE L'ISLAMOLOGIE ACADÉMIQUE(*)


L'archéologie: c'est une discipline scientifique dont l'objectif est d'étudier les vestiges matériels ayant subsisté et qu'il est parfois nécessaire de mettre au jour (outils, ossements, poteries, armes, pièces de monnaie, bijoux, vêtements, empreintes, traces, peintures, bâtiments, infrastructures, etc.)


La paléographie: du grec ancien παλαιός / palaiόs (« ancien »), et γραφία / graphía (« écriture ») est l'étude des écritures manuscrites anciennes, son objet d'étude est donc les parchemins, en islamologie il s'agira des manuscrits coraniques qui très abondants (plus de 1500 fragments) et des hadiths beaucoup plus rares.


L'Épigraphie: c'est l'étude des inscriptions réalisées sur des matières non putrescibles telles que la pierre, on parle alors d'inscriptions lapidaires, l'argile ou le métal. Cette science a pour objectif de les dater, de les replacer dans leur contexte culturel, de les traduire et de déterminer les informations qui peuvent en être déduites.


La datation au carbone 14: dite également datation par le radiocarbone ou datation par comptage du carbone 14 résiduel, est une méthode de datation radiométrique fondée sur la mesure de l'activité radiologique du carbone 14, contenu dans de la matière organique dont on souhaite connaître l'âge absolu, à savoir le temps écoulé depuis sa mort.


La numismatique: du latin numisma, « pièce de monnaie » a pour objet l'étude des monnaies et médailles. Considérée comme une science auxiliaire de l'histoire, elle est particulièrement utile dans les recherches en histoire antique (notamment romaine ou grecque). Elle sert aussi en archéologie, en particulier comme critère de datation.


La philologie: du grec ancien φιλολογία, phĭlŏlŏgĭa « amour des mots, des lettres, de la littérature ». Elle consiste en l'étude d'un langage à partir de documents écrits. C'est une combinaison de critique littéraire, historique et linguistique. Elle vise à rétablir le contenu original de textes connus par plusieurs sources, c'est-à-dire à sélectionner le texte le plus authentique possible, à partir de manuscrits, d'éditions imprimées ou d'autres sources disponibles (citations par d'autres auteurs, voire graffiti anciens), en comparant les versions conservées de ces textes, ou à rétablir le meilleur texte en corrigeant les sources existantes.

(*) Wikipédia

LES DÉBUTS DE L'ISLAM 

Sous le prisme des sciences humaines

« une vue d’ensemble »


Préambule


Il est indéniable que l’islam fait parler de lui ces dernières années notamment depuis l’émergence de l’extrémisme islamiste dont lien avec l’islam est plus ou moins assumé par les musulmans. L’objet de cet article n’est pas de débattre sur les liens entre l’extrémisme et l’islam dont les textes seraient les porteurs des germes de cette violence qui pour certains, fait partie intégrante de l’islam lui-même et pour d’autres n’est qu’un phénomène relativement récent qui s’explique pas d’autres paramètres géopolitiques et géostratégiques.

Sans vouloir chercher une relation de cause à effet entre d’une part, la médiatisation de l’islam, justement à cause de cette violence et d’autre part, la multiplication des études déconstructivistes sur « les origines de l’islam ».


La démarche de cette section introductive est de dresser un panorama des études islamologiques contemporaines dans la perspective de les vulgariser auprès internautes qui ne sont pas familiers avec cette branche du savoir. Je préviens d’emblée les lecteurs que je ne me présente pas en tant que spécialiste en la matière, je ne suis qu’un simple autodidacte dans cette discipline qui souhaiterait partager ce qu’il a accumulé sur à ce sujet et rien d’autre.


Les deux grandes tendances de l’islamologie contemporaine


A l’instar des études historico-critiques appliquées aux textes du judaïsme et du christianisme, il était tout à fait naturel de voir les cercles académique, s’attaquer aux textes fondateurs de l’islam. Il fut un temps où la démarche était celle de l’orientalisme de l’époque coloniale qui a cédé la place à toutes sortes d’approches plus au moins détachées d’entreprises idéologiques. Le contexte de l’extrémisme que nous avons mentionné ci-haut peut expliquer, du moins en partie, l’accroissement sans précédent des études déconstructivistes portant sur les débuts de l’islam.

La remise en question des fondamentaux de l’islam concerne souvent, son lieu d’apparition, ses textes fondateurs voire même la négation pure et simple de l’historicité de son fondateur. Pour schématiser dans un but purement pédagogique, l’on peut résumer les approches académiques des débuts de l’islam selon deux écoles ; bien entendu la réalité est plus complexe, car il y a des chercheurs qui ne s’identifient dans aucune des deux écoles.


—L’approche historico-critique classique respectant le paradigme traditionnel


Cette approche dite modérée, ne cherche pas systématiquement à décrédibiliser ou déconstruire un fait communément admis. Elle ne cherche pas non plus à substituer l’histoire connue par un scénario alternatif en rupture totale avec le consensus établi. L’apparition de l’islam a eu lieu en Arabie du VIIème siècle à la Mecque, puis à Médine. Ce paradigme Nöldekien (en référence à Théodore Nöldek, fondateur de l’islamologie) est dépendant des grandes lignes du récit traditionnel, sachant qu’il est tardif, contradictoire et non fiable en ce qui concerne les détails historiques.


La démarche bien qu’elle respecte le cadre général de la tradition, s’emploie à écarter les aspects légendaires et procède à des recoupements au niveau des sources afin de tenter de dégager un noyau historique. Compte tenu de la rareté des sources contemporaines à l’apparition de l’islam.

Dans ce cas, il n’y a pas d’autre choix que d’étudier la tradition islamique tout en adoptant une attitude critique par les outils d’analyse modernes dont l’analyse littéraire intra-textuelle et inter-textuelle, la méta-textualité, la rhétorique sémitique…etc.

C’est ce qui est convenu d’appeler la méthode SYNCHRONIQUE.

Ici l’absence de preuves n’est pas forcément une preuve d’absence.


—L’approche historico-critique, hypercritique ou révisionniste


Cette approche hyper-sceptique parfois qualifiée de révisionniste repose sur un procédé d’analyse qui vise, la déconstruction systématique et parfois excessive d’une donnée historique, en s’attaquant à chacun de ses moindres détails. Elle se distingue de la critique historique rationnelle, qui adopte un usage judicieux de la raison, ayant pour finalité d'affiner, de préciser et de restituer la vérité historique.

Elle ne se base pas sur un paradigme alternatif, car nous n’avons pas affaire à une école structurée avec une méthodologie homogène. Il s’agit plutôt de plusieurs courants hétérogènes, qui visent à dépasser le paradigme Nöldekien. Le moyen étant la déconstruction, c’est-à-dire, faire éclater le carcan du paradigme précité puisqu’il est jugé trop dépendant de la tradition, ce qui est en partie vrai. Les sources islamiques sont écartées, car elles seraient contradictoires et loin de la période étudiée étant écrites entre le VIII-IXè siècle.

Les chercheurs de cette tendance opèrent selon deux approches :

— soit le rejet en bloc de toute la tradition pour certains auteurs ( P.Crone, Y.D.Nevo,Volker Popp, Rober Kerr...)

— soit la sélection de certaines sources qui corroborent l’idée préconçue pour d’autres (D.Gibson, EM Gallez, A.J Deus…).

Les moyens utilisés dans cette école sont l’archéologie, la numismatique, l’épigraphie, la philologie, la comparaison des textes (intertextualité), selon une approche dite DIACHRONIQUE.

Ici l’absence de preuves est considérée comme une évidence de l’absence.


Les grands dossiers de l’islamologie contemporaine


Vue l’immensité du chantier, les débuts de l’islam sont étudiés par différents spécialistes, selon une démarche multidisciplinaire impliquant plusieurs domaines.

L'hiérarchie du niveau de preuves se décline selon l’ordre suivant :

1-Archéologie

2-Numismatique

3-Épigraphie

4-Papyrologie-Codicologie

5-Témoignages contemporains ou proches de la période étudiée

6-Témoignages tardifs et/ou éloignés géographiquement

7-Analyse littéraire et philologique selon plusieurs approches


Les thèmes étudiés

1-Transmission et canonisation du Coran

2-Transmission et canonisation des Hadiths

3-Pertinence de la Sirah comme source historique

4-Historicité de la Mecque et de Médine

5-Historicité de Muhammad


APPROCHES SYNCHRONIQUES

APPROCHES DIACHRONIQUES

SÉMINAIRES AUDIO

Avec Mahdi Azaeiz ( thème: Contre Discours Coranique)


Avec Anne-Sylvie Boisliveau (thème: Métatextualité et auto-canonisation)


Avec Guillaume Dye (Thème: Inter-textualité, approche historico-critique)





Avec Michael Marx (Thème: Codicologie, Papyrologie, approche physique)

BASE DE DONNEES

Bibliothèque al-Muslih

Excellente base de données avec des articles académiques sur l'islam.


Articles and Books about islam

Quran and Hadiths Studies, Critical Thinkers.


CONFÉRENCES ACADEMIQUES

TRADUCTIONS DU CORAN



EN TRAVAUX